vendredi 10 août 2007
CHANSON POUR CEUX DE SAINT-PIERRE-DE-LA-MARTINIQUE
L’angoisse ne s’était pas encore infiltrée
Dans les artères de la ville
Nous n’avions pas encore appris la peur
Le volcan avait prévenu pourtant
*
Il eût fallu savoir lire
Savoir lire dans cet alphabet oublié
Savoir lire les racines de feu gonflées
Les plumetis de cendres
La déroute des serpents
Savoir lire aux veines des ruisseaux
Les accélérations
Les changements de couleurs
*
On ne nous avait pas appris la méfiance
Maman Rosa partit chercher son pain
Comme chaque matin
Coiffée de son madras
Son panier à la main
*
Quelques uns étaient montés voir
Ce qui se passait là-haut
L’Etang-Sec était plein d’eau rouge
En son milieu un cône noir
Crachait des fumées
Paisiblement
*
Mon Dieu mon Dieu
Que l’océan sait être bleu
Les voiliers en attente
Dodelinaient
*
Il eût fallu
Savoir lire les battements d’ailes du coq
Qui ne savait plus quoi chanter
*
C’était à huit heures du matin
Huit heures et deux minutes très exactement
A la cathédrale de la ville
Le bronze a fondu
Les carillons se sont tus
Nul ne saura jamais leur plainte
ni leur cri
*
Là où ton pied se pose prends garde
Tu marches sur la cendre des os brûlés
Murs noircis
Sans toits
Sans poutres et sans chevrons
*
C’était à huit heures du matin
Huit heures et deux minutes très exactement
Les amours se sont étranglées
Dans un monstrueux orage
C’était à huit heures et deux minutes très
exactement
Et le verre a fondu
*
La ville a flambé
La rivière a bouillonné
C’était à huit heures et deux minutes très
exactement
Le huit mai mille neuf cent deux
Et la terre tremblait
*
La rue Monte-au-Ciel s’est fendue
La nuée a dévalé
Les barriques ont éclaté
Dans les rhumeries et sur les quais
Noirs cumulus roulant se déroulant
Explosions de colères rouges et jaunes
*
Plages noires
L’océan seul vivant encore
Recouvre des carcasses de navires
morts
*
C’était à huit heures du matin
Huit heures et deux minutes très exactement
Un dimanche du mois de mai
Un jour de premières communions
Encens
Brassards et mousselines blanches
*
C’était à huit heures du matin
Huit heures et deux minutes très exactement
Le huit mai mille neuf cent deux
A huit heures et deux minutes très exactement
Et les mots à jamais se sont tus
13.04.07
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire